Currier and Ives

L’art décoratif et la collection d’art pour l’amour de collecter

Currier & Ives profitait des tendances artistiques, de la main d'œuvre bon marché et de la meilleure technologie pour vendre de l’art décoratif au grand public.

De 1835 à 1907, ces lithographes de New York ont créé et vendu des milliers de copies de plus de 7 000 images.

Ces lithographies ont été dessinées par des artistes commissionnés, imprimées en encre noire par les employés de l’usine et colorées à la main avec de l’aquarelle, par les femmes embauchées pour cette tâche.

Souvent, les artistes n’étaient pas crédités.

“The Rose” lithographie. Currier & Ives, É-U, environ 1870. 30 x 40 cm. 1994.8.12

Une autre nouvelle technologie de l’époque était les bateaux à vapeur, inventés en 1807, et ils figuraient dans plus de 200 lithographies de Currier & Ives.

“Midnight Race on the Mississippi” lithographie. Currier & Ives, É-U, 1875. 30 x 40 cm. 1994.1.19

La lithographie a été inventée en 1798.

IIl s’agissait d’une innovation relativement récente dans l’histoire de la gravure. Les gravures sont basées sur la non-miscibilité de l’huile et l’eau. Le nom Currier & Ives se réfère à la compagnie qui a imprimé et vendu ces lithographies et non pas aux artistes qui les ont conçues.

Bien que ce processus soit considéré actuellement comme étant compliqué et n’est utilisé que pour les beaux-arts, à cette époque c’était un procédé innovateur et pratique, car on pouvait produire la plupart de ces gravures en moins de temps que les gravures traditionnelles.

Detail of 1989.1.17

“Our Pets, Wide Awake” lithographie. Currier & Ives, É-U, 1877-1894. 34 x 42 cm. 1989.1.66

“Londonderry on the River Foyle, Ireland” lithographie. Currier & Ives, É-U, 1872-1874. 34 x 44 cm. 1994.8.8

Les tendances et mouvements artistiques de l’ère victorienne nous informent davantage sur Currier & Ives et le style de collection artistique exercé par Jean Shields.

Jean Shields collectionnait en tant qu’esthète.

Le Mouvement esthétique de la dernière partie du 19e siècle privilégie « L’art pour l’art », rejetant l’idée victorienne que l’art doit avoir un but moral ou éducatif.

La collection de lithographies appartenant à Jean reflète son penchant pour l’art purement décoratif et ses céramiques sont influencées par l’Orient, conformément au mouvement esthétique.

“A Home on the Mississippi” lithographie. Currier & Ives, É-U, 1871. 30 x 40 cm. 1994.1.17

Les lithographies de Currier & Ives démontrent le vie quotidienne de l’époque ainsi que les tendances et idées dites populaires.

À part les scènes idylliques et sentimentales qu’on associe avec Currier & Ives, l’entreprise a aussi produit des images d’intolérance, telle que leur série « Darktown Comics » qui était très populaire mais anti-noire, durant les années 1880-1890.

Ces œuvres ne font pas partie de la collection de Jean mais il vaut la peine de les mentionner car elles font partie de l’histoire de Currier & Ives, ce qui complique les notions romantiques de ces graveurs.

Évaluez cette scène dans le cadre des lithographies racistes de Currier & Ives. Comment démontre-t-elle les personnes noires par contraste aux personnes blanches? De quelle façon?

Typiquement, les premiers Victoriens décoraient leurs murs à l’aide de tableaux et de gravures semblables à ceux-ci.

Plus tard durant l’époque victorienne, le public a changé leur philosophie et leurs habitudes d’achat, signalant le début de la fin de Currier & Ives.

La plupart des gravures de Currier & Ives étaient décoratives. Étant donné qu’elles étaient à la fois décoratives et abordables, les propriétaires les remplaçaient fréquemment. Les gravures bibliques étaient gardées plus longtemps à cause de leurs sujets importants.

“Noah’s Ark” lithographie. Currier & Ives, É-U, 1872-1874. 27 x 35 cm. 1994.8.6

En particulier, le mouvement « Arts and Crafts » a changé la façon dont les gens percevaient l’art décoratif.

Vers la fin de l’époque victorienne, on critiquait les effets aliénants de l’industrialisation sur les travailleurs et sur les artistes/designers.

On promouvait le bon design et les bonnes habitudes en encourageant la multiplication de petits ateliers - qui était en effet, l’opposé de l’approche de Currier & Ives.

Le mouvement a favorisé de nouvelles tendances relatives à la décoration intérieure, transformant ainsi ce qu’on trouvait populaire et la perception du public des gravures de masse.

“Summer” lithographie. Currier & Ives, É-U, 1871. 29 x 40 cm. 1994.1.22

Vers la fin du 19e siècle, les idées courantes au sujet de la décoration intérieure ont changé: les consommateurs recherchaient désormais des œuvres individuelles plutôt que des gravures.

La nouvelle philosophie de décoration intérieure dite « Arts and Crafts » avait comme but d’harmoniser l’architecture et la décoration.

Elle prônait donc l’utilisation d'œuvres plus larges et dimensionnelles que les gravures pour décorer les murs - telles que des murailles, des tapisseries et du bois minutieusement sculpté.

“Autumn” lithographie. Currier & Ives, É-U, 1870-1871. 29 x 40 cm. 1994.1.23

À la longue, la lithographie a été considérée comme production massive, sans qualité artistique ni authenticité.

Les consommateurs de gravures commençaient à exiger la qualité et l’originalité.

L’industrie des « gravures d’art » essayait de retenir cet auditoire à l’aide d’éditions numérotées ou classées, souvent signées par le graveur et/ou l’artiste.

Bien qu’elles ne soient pas nécessairement plus « artistiques » que les lithographes de Currier & Ives, les gravures d’art étaient prisées comme étant supérieures.

“Winter” lithographie. Currier & Ives, É-U, 1870. 29 x 40 cm. 1994.1.20

Currier & Ives ont navigué ces changements de leur mieux, mais ils ont tout de même fermé les portes en 1907.

“Spring” lithographie. Currier & Ives, É-U, 1870. 29 x 40 cm. 1994.1.21

La réputation de Currier & Ives a été rétablie grâce à l’intérêt naissait pour l’histoire d’art américain au début du 20e siècle.

Les artistes, historiens et collectionneurs ont renouvelé le sens des produits de Currier & Ives.

Leurs gravures représentent désormais l’histoire de l’art graphique américain et ont fourni de l’inspiration pour l’art nouveau.

En 1929, la réputation endurante de ces lithographies a été rétablie.

Alors que Jean collectionnait ces gravures, elles décrivaient une époque romantique lointaine.

“A New England Home” lithographie. Currier & Ives, É-U, 1852-1872. 30 x 40 cm. 1994.1.18

“The Young Housekeepers, The Day After Marriage” lithographie. Nathaniel Currier, É-U, 1848. 30 x 40 cm. 1989.1.67

Ces lithographies ont été créées dans l’atelier de Nathaniel Currier quatre ans avant que l’entreprise Currier & Ives soit établie.

“Phebe” lithographie. Currier & Ives, É-U, 1835-1907. 25 x 36 cm. 1994.8.7

Actuellement, les illustrations pittoresques de Currier & Ives représentent une période glorieuse de l’histoire américaine.

Elles dépeignent une époque romantique et héroïque de valeurs simples, de la joie domestique et de la prospérité.

Cependant, il faut signaler que les scènes sentimentales et les images agréables de ces lithographies sont décoratives et non pas factuelles. Elles reflètent ce que les Victoriens voulaient voir dans leurs maisons et non pas la vraie vie quotidienne de cette époque complexe.

“The Hundred Leaf Rose” lithographie. Currier & Ives, É-U, 1870. 30 x 40 cm. 1994.8.11

  • Les gravures sont forcément des reproductions.

    Qu’est-ce qui détermine l’originalité d’une gravure?

  • L’originalité contribue-t-elle au mérite de l’art ou aux valeurs artistiques?

  • Qu’est-ce que vous pensez de « l’art pour l’art »?

    Est-ce qu’il vaut la peine de collectionner de l’art uniquement pour sa beauté ou avons-nous l’obligation d’illustrer l’histoire?